Menaces:
Le braconnage
APERÇU
La chasse de la faune sauvage a provoqué un déclin important des populations de grands mammifères en Afrique de l’Ouest (voir par exemple Brashares et al. 2004; Gonedelé et al. 2010), une tendance aussi relevée chez les chimpanzés. Le braconnage est l’une des causes de déclin les plus fréquemment citées, même si la chasse de grands singes est illégale dans tous les pays de l’aire de répartition. Les types de braconnage de grands singes peuvent être différenciés en fonction de la motivation ou du contexte.
© Maegan Fitzgerald
Le braconnage pour la viande
de brousse
Les chimpanzés sont tués principalement pour leur viande. Ils représentent en général un faible pourcentage de la viande de brousse vendue (les carcasses de chimpanzé constituent 1–3% de la viande de brousse présente sur les marchés urbains en Côte d’Ivoire. Cependant, environ 3,5% de la population ivoirienne de chimpanzés est braconné chaque année pour le commerce de la viande de brousse. Un écheveau complexe de facteurs favorise le braconnage de chimpanzés, soulignant la nature pernicieuse du problème. Par exemple, Junker et al. (2015a) montrent que les signes de chasse dans les forêts de Liberia se trouvent plus loin des villages mais plus près des marchés. La distance par rapport aux marchés s’avère être l’indicateur anthropique le plus important d’un pronostic négatif d’abondance des chimpanzés (ibid.). Cette corrélation est la même en Guinée.
Le braconnage s’étend aux aires protégées. Greengrass (2016) a par exemple déterminé que 90% des chimpanzés braconnés dans le Parc National de Sapo sont envoyés directement vers les marchés urbains et que la pression de la chasse augmente lorsque des régions isolées trouvent un accès à une filière commerciale, ce qui entraine un déclin de l’abondance de la faune. Le braconnage et le commerce de la viande de brousse sont souvent facilités par l’exploitation forestière industrielle et d’autres types d’extraction de ressources et de développement des infrastructures, lorsque des régions autrefois isolées deviennent plus accessibles aux chasseurs et au transport vers les marchés (voir par exemple Kormos et al. 2004b; White & Fa 2014).
© Ollivier Girard/CIFOR
Environ 3,5% de la population ivoirienne de chimpanzés est braconné chaque année pour le commerce de la viande de brousse (Covey & McGraw 2014).
La chasse liée aux superstitions
L’utilisation de parties corporelles des chimpanzés pour des pratiques liées aux superstitions est souvent un dérivé de la chasse pour la viande. Cependant, les chimpanzés sont parfois tués spécifiquement pour des cérémonies traditionnelles ou des pratiques animistes (Hanson-Alp et al. 2004; Sousa et al. 2017).
La chasse comme mesure de représailles
Les grands singes sont tués à cause d’une concurrence réelle ou perçue avec les populations humaines pour les ressources naturelles. Ils peuvent être illégalement chassés en représailles suite à un pillage de cultures ou à des blessures qu’ils ont infligées. La situation est exacerbée lorsque l’habitat naturel est éliminé ou converti pour d’autres utilisations et peut stimuler le commerce de bébés chimpanzés vivants.
© Liberia Chimpanzee Rescue & Protection
La capture d’individus vivants
Capturer des chimpanzés vivants, ce qui est en soi illégal, implique presque toujours de tuer leurs congénères. Pour capturer un bébé, il faut tuer la mère. Les bébés orphelins sont souvent capturés de manière opportuniste, en association avec le braconnage pour la viande de brousse. Cette menace est aussi un effet secondaire de la disparition de l’habitat et d’interactions négatives entre les populations humaines et la faune sauvage.
L’ampleur réelle de la capture et du commerce de chimpanzés vivants demeure inconnue en raison de la nature clandestine du trafic, qui est désormais associé à la criminalité organisée, comme le trafic de drogue, et difficile à déceler et à surveiller. Bien que la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) interdit toute transaction commerciale de chimpanzés, les trafiquants continuent à enfreindre et à contourner les lois. En Afrique de l’Ouest, les trafiquants peuvent facilement introduire en contrebande des chimpanzés orphelins dans les pays voisins en passant par des frontières terrestres ou des ports peu ou pas contrôlés. Malgré des efforts importants ces dernières années pour renforcer l’application des lois, les sanctuaires de la Pan African Sanctuary Alliance (PASA) en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone font état d’un flot continu de chimpanzés orphelins vers leurs structures. Des nouveaux centres en Côte d’Ivoire et au Liberia font aussi face à de nombreuses arrivées.